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Climat : des solutions en pagaille !

Couverture du rapport du synthèse du GIEC (source : GIEC)

Bonjour à tous ! Il s’est passé plein de choses ces derniers temps. Déjà, pas mal d’absences dans ces pastilles, pour cause d’un planning très chargé par ailleurs. Et puis, mon second roman, Cité d’Ivoire, est sorti. Alors si vous êtes ici sans en avoir déjà entendu parler, foncez d’abord sur cette page et revenez lire ce billet ensuite !

Cité d'Ivoire, un roman plein d'héroisme et d'allant ©

 

Alors, pourquoi cette reprise soudaine ?

D’abord, parce que, sans en être l’unique sujet du livre, Cité d’Ivoire porte aussi sur les questions climatiques. Mon idée était d’apporter une dose de possibles, une dose d’espoir, et surtout, amener l’envie de faire changer les choses et de rendre le futur désirable. De plus en plus de citoyens, scientifiques de métier ou non, font un pas de côté pour diffuser le savoir, les idées, les solutions. Dans mon cas, par mes romans comme par ces articles, j’ai le modeste objectif d’y contribuer.

Ensuite, vous avez peut-être entendu parler de la sortie du dernier rapport de synthèse du GIEC  ? Vue l’agitation sociale (absolument nécessaire, la question ne se pose même pas) qui règne actuellement, on peut comprendre qu’il soit passé un peu inaperçu. Pourtant ces deux questions (climat et retraites) sont loin d’être aussi indépendantes qu’on pourrait le penser. Travailler plus pour produire plus, c’est soutenir un modèle de société qui augmente nos émissions. Quant à parler de croissance verte, d’autres articles ont déjà clairement pointé du doigt l’incohérence du principe ( et )

IPCC_AR6_SYR_SPM, un cheatcode de jeu vidéo ?

Presque. C’est l’acronyme de ce dernier rapport, qui n’est justement pas un document comme les autres. C’est une synthèse des six rapports produits par les scientifiques, depuis 2018. Trois rapports spéciaux, que j’ai déjà cités à plusieurs reprises dans les pastilles :
    • Réchauffement climatique de 1,5°C
    • Changement climatique et Terres émergées
    • L’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique
Complétés par les trois composantes du sixième rapport d’évaluation :
    • Les bases scientifiques du changement climatique, 2021
    • Les impacts, l’adaptation et la vulnérabilité au changement climatique, 2022
    • L’atténuation du changement climatique, 2022
Mis bout à bout, ces rapports rassemblent plusieurs dizaines de milliers d’articles scientifiques (autour de 70 000, si ma mémoire est bonne). La synthèse parue la semaine dernière est donc la source de connaissances sur le climat la plus fiable et la plus exhaustive du monde, à l’instant présent. Alors, à moins que vous ayez le melon de Claude Allègre, vous pouvez donc considérer ses conclusions comme fiables et exactes.

Accablant, non ?

Oui. Et n’en déplaise à notre président, ces choses, on les a prévus depuis des décennies. Pour faire simple, on n’est pas sur la bonne voie. Au niveau mondial, les émissions de CO2 continuent à grimper, à cause de notre utilisation des énergies fossiles, de notre mode de vie et de notre mode de consommation. En conséquence, par rapport à l’époque préindustrielle (1850-1900) qui sert de référence, la température a augmenté de 1.1°C. Elle est désormais plus haute que tout ce que la terre a connu depuis 125 000 ans. À partir des contributions annoncées par les états (qui elles-mêmes ne sont pas vraiment respectées), la limite des 1.5°C devrait être franchie au cours du siècle, et celle des 2°C pourrait être atteinte elle aussi, avec les conséquences et l’emballement climatique que l’on connaît (j’en ai déjà parlé ici).

(Source : AR6, SYR, SPM5)

Sur ce graphique, adapté du rapport de la semaine dernière, on lit verticalement les émissions nettes de Gaz à Effet de Serre (GES). Le trait noir, c’est nos émissions passées. Le trait bleu, c’est la trajectoire qui nous permettrait de rester sous 1,5°C de réchauffement. Le trait vert, c’est la même chose, pour 2°C. Le trait rouge, c’est la trajectoire qu’on va prendre, si on se contente de suivre les politiques en cours.

En gros, il faut que d’ici 2030, on soit déjà franchement sur une grosse baisse des émissions.
On le savait déjà, il nous reste cette décennie pour agir.

Alors, c’est mort ?

Non. Toujours pas. Et c’est sur ce point que je voulais insister. Parce que dans ce rapport, il est aussi clairement rappelé que les solutions, on les a. Elles résident dans l’adaptation de nos sociétés, en synergie avec des stratégies d’atténuation du changement climatique. Pour paraphraser le GIEC : « Des options d’atténuation et d’adaptation réalisables, fonctionnelles et à bas coût sont déjà disponibles ». Si on les met en place, on pourra observer très vite des conséquences positives. Une diminution rapide et durable des émissions de GES pourrait se traduire par un ralentissement du réchauffement sous deux décennies seulement, ainsi que des changements de composition atmosphérique discernables en seulement quelques années.

 


 

Plus précisément, en plus de réduire les dommages aux écosystèmes, la diminution des émissions pourrait améliorer la qualité de l’air et la santé des humains, notamment parce que beaucoup de polluants sont émis en même temps que les GES ou produits par ces émissions. Bonus supplémentaire, le bénéfice économique lié aux améliorations des conditions de santé des citoyens (entendez par là, moins de dépenses de santé) est du même ordre de grandeur, voire supérieur, au coût de ces stratégies de réduction des émissions. Collectivement, on a donc tout intérêt à opter pour cette stratégie. D’ailleurs, le GIEC suggère même qu’à court terme, agir directement sur les émissions de méthane (qui ont une inertie moins grande que le dioxyde de carbone et qui favorisent la formation d’ozone de surface, ce qui est mauvais pour notre santé) pourrait devenir rapidement perceptible en termes de santé publique.

Et la qualité de l’air n’est qu’un exemple des bénéfices qu’on pourrait tirer de ces changements. Il en existe plein d’autres, que vous pouvez trouver dans le rapport.

Quant à la faisabilité de ces actions, je l’ai dit plus haut, la question n’est pas sans réponse. Par exemple, le coût de l’éolien et du solaire est maintenant largement compétitif, voire plus faible que le fossile, en plus d’offrir un potentiel beaucoup plus grand que le nucléaire (j’avais déjà parlé de cette histoire de potentiel ici). On le voit très bien sur la figure ci-dessous : en 20 ans, le solaire et l’éolien sont devenus carrément abordables, et même rentables.

Diminution du coût de stratégies d'atténuation (entre 2000 et 2020) La ligne jaune correspond au coût pour les énergies fossiles (Source : AR6, SYR, Fig. 2.4)

 

D’ailleurs, les autres domaines ne sont pas en reste : des adaptations dans les secteurs de la nourriture, du transport terrestre et du bâtiment pourraient diminuer les émissions de ces secteurs de 40% à 70% d’ici 2050. Dans le domaine des forêts, le GIEC précise que le déploiement de stratégies de management durables, une meilleure conservation des forêts ou des politiques de reforestation sont hautement faisables. Pour ce qui est de l’eau, l’amélioration de la gestion de la ressource, de son accès et de son utilisation est aussi facilement à notre portée. Vue le déficit en cours et les colères que cristallisent les politiques aberrantes des mégabassines, ce sujet est des plus importants.

Voilà. On pourrait continuer comme ça pendant un moment, tant les exemples sont nombreux. Mais je crois que l’idée est assez claire.

En fin de compte...

Oui, les choses vont mal, on n’est pas sur la bonne voie. Mais le combat ne s’arrête pas une fois qu’on a passé les 1,5°C ou les 2°C. Envisager un monde plus vertueux, plus inclusif, plus humain, plus juste, c’est ça, le véritable défi. C’est ce futur qui doit devenir désirable. Un avenir respirable et réellement heureux. C’est la raison de Cité d’Ivoire, c’est la raison de ces pastilles. Personnellement, je serais heureux de voir mon pays se transformer en adoptant de véritables politiques climatiques et sociales. Je serais même fier d’y participer.

Mais je suis forcé de constater que les types qui sont à la tête du pays s’en tamponnent, de tout ça. Leur mépris et leurs mensonges sont les mêmes, qu’ils s’appliquent aux questions climatiques ou aux questions sociales. Et je pense qu’il est temps de les remplacer par d’autres, vraiment compétents.


Sources :

 

Toutes les informations sont extraites du rapport de synthèse du sixième rapport du GIEC, accessible à l’adresse suivante : https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-cycle/
J’ai traduit et adapté les figures, que vous trouverez, en version originale dans le résumé pour décideurs et dans la version longue du rapport ci-dessus.

 

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