
Baie Pleneau, Péninsule antarctique
Bonjour à tous !
Dans cette pastille, on va parler climat, sobriété, adaptation et atténuation et surtout, limites planétaires. Et pour ce faire, on va se baser sur un article publié il y a quelques jours dans Nature (van Vuuren, 2025).
Les limites planétaires sont définies comme des seuils liés au fonctionnement de la planète. Des limites que l’humanité ne devrait pas dépasser pour pouvoir espérer continuer à vivre dans un écosystème sûr. Elles ont été définies en 2009 par une équipe de chercheurs internationaux, et elles sont au nombre de neuf (ou dix, ça dépend comment on compte) :
(1) Changement climatique ;
(2) Érosion de la biodiversité ;
(3) Modifications des usages des sols ;
(4) Utilisation d’eau douce ;
(5) Perturbation des cycles biogéochimiques de l'azote et du phosphore ;
(6) Acidification des océans ;
(7) Aérosols atmosphériques ;
(8) Diminution de la couche d’ozone stratosphérique ;
(9) Pollution chimique (nouvelles entités).
Le cadre des limites planétaires identifie deux paliers critiques pour chaque limite : la limite planétaire elle-même (on va dire, un seuil au-delà duquel le risque d’effondrement du système environnemental s’accroît, limite verte-jaune sur les images ci-dessous) et la limite supérieure de la zone d’incertitude (où les conséquences risquent d’être très sévères, limite jaune-orange sur les images ci-dessous).
Actuellement, six des neuf limites planétaires sont dépassées (changement climatique, érosion de la biodiversité, aérosols, usage des sols, cycles biogéochimiques du phosphore et de l’azote). Parmi elles, le cycle de l’azote, du phosphore et l’érosion de la biodiversité ont même passé le seuil de la zone d’incertitude. La limite du cycle de l’eau douce est presque dépassée, celle de l’acidification des océans également. Seule la limite concernant l’ozone stratosphérique est en train d’être stabilisée, grâce aux efforts déployés depuis plusieurs années dans la diminution de la production de CFC, halons et autres HCFC. Le risque lié au dépassement des limites planétaires est de voir se produire une dégradation rapide, brutale, non linéaire des écosystèmes. Une dégradation potentiellement irréversible avec des rétroactions multiples et difficilement prévisibles. En somme, ça pourrait bien devenir la cata !


Limites planétaires en 1970 et en 2015.
Ainsi, une des questions qui intéressent les scientifiques est de savoir comment ces limites pourraient évoluer dans un futur proche (2050) et plus lointain (2100). C’est à cela que vient répondre cet article.
Cette fois, les limites planétaires ne sont plus utilisées comme des indicateurs diagnostiques de l’état de notre société, mais comme des indicateurs pronostiques. Autrement dit, l’évolution des limites planétaires est estimée en fonction de l’évolution de nos modes de vie, à partir des scénarios du GIEC, les fameux SSP.
Pour ce faire, les chercheurs norvégiens et suédois à l’origine de l’étude ont utilisé un modèle numérique développé par l’Institut néerlandais pour l’évaluation environnementale. Ce modèle, appelé IMAGE, pour « Integrated Model to Assess the Global Environment », simule les conséquences environnementales des futurs systèmes énergétiques et agricoles en termes de changement climatique, de cycles biogéochimiques, de pollution de l’air, de perte de biodiversité… En somme, des systèmes identifiés comme moteurs clés de la dégradation écologique à l’échelle planétaire.
Dans cette étude, les chercheurs ont donc « forcé » IMAGE avec trois types de scénarios du GIEC. Des scénarios optimistes (développement durable, SSP1), business as usual (poursuite des tendances actuelles, SSP2) et pessimistes (monde fragmenté, SSP3).
Quelles sont leurs conclusions ?
Dans le scénario SSP2 (celui qu’on suit actuellement et qui pourrait nous amener à un réchauffement de +2,7° à la fin du siècle), d’ici 2050, la situation empirera pour toutes les limites planétaires, sauf pour la couche d’ozone stratosphérique. Toutes les limites seront ainsi franchies, et quatre d’entre elles dépasseront même la zone d’incertitude (changement climatique, biodiversité, phosphore et azote). Seule celle de l’ozone stratosphérique continue à diminuer.

Limites planétaires pour le SSP 2, en 2030 et en 2050.
Quant au SSP1, selon les chercheurs, respecter l’accord de Paris aurait certes un effet sur la limite planétaire du climat (bien que celui-ci ne soit pas vraiment visible à l’horizon 2100, à cause de l’inertie du système climatique, de nos capacités à restaurer les écosystèmes et de notre inertie à nous), mais n’aurait qu’un effet limité sur les huit autres. Le SSP3, lui, mènerait à des bouleversements encore plus importants, ayant principalement pour origine une forte hausse démographique.
Les scientifiques ont aussi ciblé des mesures qui pourraient vraiment être cohérentes avec un scénario « durable », et un éloignement des limites planétaires. Ces solutions, globalement, incluent :
- Respecter la limite du 1,5°C ;
- Changer d’habitudes alimentaires pour réduire la consommation de viande, de graisses saturées, de sucres raffinés et de nourritures transformées. Une assiette santé planétaire doit comprendre en volume environ une demi-assiette de fruits et légumes ; et l'autre moitié, exprimée en calories, est constituée principalement de grains entiers, de protéines végétales, d’huiles végétales non saturées et (éventuellement) de protéines animales en quantités modérées.
- Réduire le gaspillage alimentaire.
- Améliorer l’efficacité de l’usage de l’eau pour réduire la consommation dans tous les secteurs.
- Réduire l’utilisation d’engrais azotés.
Le scénario SSP2, associé à des politiques de développement durable telles qu’édictées ci-dessus, pourrait amener à des résultats concrets, et à ramener plusieurs limites planétaires dans la zone d’incertitude (en jaune sur l’image ci-dessous), voire dans la zone sûre, à l’horizon 2100.


Limites planétaires pour le SSP 2, incluant des politiques d'atténuation et de durabilité (couleurs roses et bleu clair), pour 2030, 2050 et 2100.
Il est donc urgent de mettre en place des politiques coordonnées, non seulement sur tous les leviers (système alimentaire, agriculture, énergie, eau…), mais aussi dans toutes les régions du monde. Et surtout, s’assurer que ces politiques mènent à des transformations profondes de ces systèmes, et non pas des ajustements de façade, comme on le voit trop souvent, même ici, en France. C’est d’ailleurs justement ce qu’a regretté le Haut Conseil pour le Climat dans ses précédents rapports. Il faut passer de manière urgente d’une économie « réactive » à une économie « transformatrice ».
À ce titre, le prolongement de l’autoroute A69, relancé récemment par les sénateurs, ne devrait même pas être un sujet. De tels projets sont nocifs pour tout le monde.
Sources :
van Vuuren, D.P., Doelman, J.C., Schmidt Tagomori, I. et al. Exploring pathways for world development within planetary boundaries. Nature (2025). https://doi.org/10.1038/s41586-025-08928-w
Voir le rapport de synthèse de la commission EAT-Lancet sur une alimentation saine issue de protection durable.
https://www.ouest-france.fr/economie/transports/autoroute/a69-le-senat-adopte-un-texte-pour-obtenir-la-reprise-du-chantier-avec-le-soutien-du-gouvernement-419f93ba-317b-11f0-a780-38f15a8a5638
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