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Rapport du HCC. On n'y est toujours pas !

Entrée du canal Lemaire, Péninsule Antarctique

Bonjour à tous·tes !

Peut-être avez-vous eu la chance d’entendre, entre deux échos de feu d’artifices ou de communications présidentielles sur le danger des jeux vidéos, qu’a été publié il y a trois jours le rapport 2023 du Haut Conseil pour le Climat (HCC) ?

Notre ministre de la transition énergétique, en tout cas, l’a bien vu, car elle s’est empressée de le retwitté, y affirmant que « face à l'urgence climatique, notre Gouvernement est à l'action pour apporter des réponses concrètes et faire de notre pays une grande Nation écologique. »


Bravo. Vingt sur vingt, vive la France.

Pourtant, ça démange. D’un côté, l’état se verdit à grands coups d’avion vert et de whataboutisme, arguant qu’on fait mieux que l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne ou les Etats-Unis, en termes de réduction des émissions. De l’autre, il s’attaque méthodiquement à tous ceux qui luttent pour plus de justice écologique et sociale.

Dissolution des soulèvements de la Terre, suppression de l’agrément d’Anticor, volonté de faire une pause dans les réglementations climatiques, au risque de « perdre tous les acteurs ». Comme si les acteurs n’étaient pas capable de comprendre les enjeux de la lutte contre le changement climatique ? Comme si les acteurs étaient trop bêtes pour suivre.

Alors, que dit le rapport du HCC ?

Simplement, qu’on n’est pas au niveau. Que « si la baisse des émissions se poursuit en France en 2022, [le] rythme reste insuffisant pour atteindre les objectifs de 2030 ». Que face aux évolutions climatiques, « les dispositifs de prévention et de gestion des risques n’ont pas permis d’éviter toutes les conséquences des évènements météorologiques et climatiques de 2022. »
Que les tensions sur l’eau potable, les impacts de la sécheresse des sols sur le bâti, les incendies de végétation, les décès liés aux vagues de chaleur et la multiplication des foyers de dengue sont autant d’évènements qui ont été mal anticipés par l’état.

Le HCC déclare ainsi que la France doit changer d’échelle, pour passer du mode réactif dans lequel elle semble se complaire au mode transformatrice, nécessaire pour prendre les devants. Car les choses vont aller en s’empirant. « La température record de 2022 correspond à la température moyenne en France à l’horizon 2050-2060 pour un réchauffement planétaire [de] 2°C. » Or, nous nous dirigeons davantage vers un réchauffement planétaire de 3,2°C à l’horizon 2100. Ce qui signifie 4°C en France métropolitaine.

Pourtant, on sait clairement où l’on est, et où l’on doit aller. Sur la période 2019-2022, la baisse des émissions était de 9,1 Mt éqCO2 par an. La Stratégie Nationale Bas Carbone révisée (SNBC2) que je présentais dans cet article vise une réduction de 12 Mt éqCO2 par an sur la période 2023-2030, quand les objectifs européens du paquet législatif Fit for 55 sont de 17 Mt éqCO2 par an… Face à un tel écart, dire qu’on fait mieux que l’Allemagne est un sophisme particulièrement malhonnête.

Bien entendu, l’alignement des émissions avec le budget carbone a été discriminé par secteurs. Il est résumé dans le tableau ci-dessous, directement extrait du rapport du HCC. Le niveau de respect du budget est illustré en couleur. Vert, c’est bon. Rouge, c’est pas bon. Orange, c’est bon, mais ce n’est pas grâce aux mesures de lutte/adaptation au changement climatique (par exemple, dans le secteur du bâtiment, l’augmentation du prix des énergies couplée à un hiver doux a entraîné une diminution du chauffage pour les ménages, réduisant mécaniquement les émissions).

 

Rappel : pour celleux qui se demandent, UTCATF signifie Utilisation des Terres, Changement d’Affectation des terres et de la Foresterie. On dit souvent que le secteur UTCATF est un puits de carbone, car il absorbe davantage de carbone qu’il n’en émet. Mais le problème, c’est qu’avec l’augmentation des températures, l’absorption du carbone par la terre est de moins en moins efficace. C’est donc un problème majeur qu’il faut prendre en compte.


Une nouvelle méthode d’évaluation qui épingle les finances.

L’aspect financier est un des points importants de ce nouveau rapport, et il y fait l’objet d’une nouvelle méthode d’évaluation par le HCC. Celui-ci annonce clairement – et à plusieurs reprises – que « le cadre d’action des politiques publiques pour le climat […] doit être accompagné d’une politique économique d’ampleur. » Les dépenses publiques supplémentaires nécessaires sont évaluées à 30Mrd € supplémentaires en 2030. D’un autre côté, « les dépenses défavorables au climat ont fortement progressé en 2022, [notamment] du fait du bouclier tarifaire, représentant 80 Mrd€ sur la période 2021-2023. » On est donc encore loin d’être sur la bonne pente.

Toutes ces informations ne sont qu’un minuscule prélèvement des observations faites par le HCC sur un rapport de presque 200 pages, méthodiquement détaillé. Et si celui-ci note effectivement quelques résultats encourageants qu’il faut souligner, comme la réduction réelle des émissions de CO2, la mise en place du secrétariat général à la planification écologique ou le déploiement de nombreuses mesures structurelles dans l’ensemble des secteurs émetteurs, elles sont encore largement insuffisantes en regard de tous les retards et manquements, parfois structurels, qu’on relève en grand nombre.

Il n’y a pas besoin de débats sur ce point. Il suffit de regarder les chiffres. Lorsque le HCC liste dans son décompte des dispositifs fiscaux défavorables au climat l’absence de taxation sur le carburant de l’aviation (Tableau 2.2b), on comprend bien que ce n’est pas en doublant le nombre d’avions d’ici 2050 qu’on s’accordera sur les objectifs européens.

Alors, si, plutôt que de demander aux citoyens d’être responsables et d’arrêter de jouer aux jeux vidéos, l’état se décidait à l’être, lui ?


Sources :

 

https://www.hautconseilclimat.fr/

https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-i/

 

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