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Pastille Climat #12 : Les variations naturelles du climat.

Crédit illustration : Art from the series Environmental Graphiti® - The Art of Climate Change by Alisa Singer. https://www.environmentalgraphiti.org

Pastille Climat #12 :

Il est incontestable que l’influence humaine a réchauffé l’atmosphère, les océans et les terres. Des changements rapides et généralisés se sont produits dans l’atmosphère, les océans, la cryosphère et la biosphère.

(AR6, WGI, SPM, A.1)

 

Pour aller plus loin :

Cette semaine, on retourne un peu aux bases. Ce qui me semble nécessaire parce que visiblement, même les bases ne sont pas claires pour tout le monde. J’imagine que vous avez dû entendre la récente sortie de Willy Schraen sur la canicule ? Pour faire simple, il a dit : « On nous parle de canicule, d’écologie... bizarrement dans l’entre-deux-tours ! Il y a une vraie manipulation ».

Alors oui, c’était sur RMC, dans Les Grandes Gueules. Oui, on dira qu’on sait à quoi s’attendre en écoutant cette émission. Oui, on peut simplement s’autoriser à moquer la stupidité du propos.

Sauf que cette polémique soulève plusieurs questions. La première, c’est qu’elle n’est qu’un élément supplémentaire d’une campagne législative tellement nulle qu’elle n’a fait que banaliser les fausses informations et les théories complotistes, et par suite, la remise en question même du raisonnement scientifique. On se dit que depuis Galilée, finalement, on n’a pas fait beaucoup de progrès.

La deuxième question est encore et toujours celle de ces médias. En donnant parole à des types remettant en cause les bases mêmes de la Science, ces émissions se font complices de ceux qui dénient le réchauffement climatique. À l’heure où l’état français a été condamné pour inaction climatique, les médias ne devraient plus prendre ce sujet à la légère.

Bref. Passé ce coup de gueule, la stupidité de la remarque du chasseur-en-chef me donne au moins l’occasion de revenir sur la question du climat. On a déjà parlé de l’origine humaine incontestable du changement climatique (on en a parlé là !). Mais pour changer un peu d’approche, cette fois, je vous propose de jeter un coup d’œil aux variations naturelles du climat, histoire d’éclaircir encore un peu les choses.

Un bon gros zéro !

Déjà, à l’échelle du siècle dernier, ne cherchez pas, l’impact des variations naturelles sur la hausse de la température est nul. Le GIEC le précise lui-même, en section A.1.3 du rapport pour décideurs : « […] il est probable que les facteurs naturels ont fait varier la température globale de surface dans une fourchette comprise entre -0,1°C et +0,1°C, et que la variabilité interne a fait varier la température dans une fourchette comprise entre -0,2°C et +0,2°C ». Pas besoin d’être médaillé Fields pour comprendre que la moyenne est donc de zéro.

 


Pour ceux qui doutent encore, je vous renvoie vers la figure ci-dessous, extraite du même rapport. On y voit toutes les différentes contributions au réchauffement climatique, qu’elles soient humaines ou anthropiques.

IPCC AR6 WGI Figure SPM2

Encore une fois, il est donc clair que le réchauffement que nous subissons actuellement repose uniquement sur les activités humaines. En détaillant, on remarque que les émissions de Gaz à Effets de Serre (GES) comptent pour presque 1,5°C de réchauffement, mais leur effet est compensé par d’autres facteurs humains, en particulier des émissions d’aérosols, qui ont un effet refroidissant d’environ 0,4°C. On retrouve bien les 1,1°C auquel on se situe actuellement, par rapport à la période 1850-1900.

Ceci étant dit, détaillons vraiment les facteurs naturels. Sur la figure ci-dessus, ils sont représentés sous les noms « Variabilité interne » et « Facteurs solaires et volcaniques ».

Garder la tête froide.

À titre d’information, la variabilité interne traduit « les processus inhérents aux différentes parties du système climatique terrestre, qui modifient la distribution d’énergie à la surface de la Terre » (GIEC). On y trouve par exemple des phénomènes d’oscillation océanique tels qu’ENSO, l’Oscillation Atlantique ou Pacifique. On a déjà eu l’occasion d’évoquer ces noms lors de la pastille sur la circulation thermohaline. Alors, oui, il s’avère que cette variabilité a des conséquences régionales non négligeables sur le climat, bien sûr. Mais le GIEC affirme que l’impact de la variabilité naturelle (tout comme celui des facteurs solaires et volcaniques) se fera (comme elle s’est toujours faite) a l’échelle régionale et sur un horizon temporel court, avec un effet réduit à l’échelle du siècle. Il s’agit donc encore une fois d’une question d’échelle.  La variabilité interne va impacter le réchauffement, mais elle n’en est pas la cause. (Pour ceux qui cherchent la source, c’est dans le paragraphe C.1 du même rapport).

Venons-en à présent aux facteurs solaires et volcaniques. Pour le volcanisme, c’est assez clair. Les grandes éruptions volcaniques ont tendance à refroidir le climat durant quelques années. Elles libèrent d’énormes quantités de soufre injectées dans la stratosphère qui se transforment en aérosols, atténuant ainsi le rayonnement solaire. D’ailleurs, le signal laissé par les éruptions volcaniques est clairement visible sur les variations de température enregistrée depuis un siècle. Mais elles sont un évènement ponctuel qui n’a rien a voir avec le réchauffement climatique en cours.

Les facteurs solaires mènent à une explication un peu plus complexe, dans laquelle on mélange souvent pas mal de choses. Pour préciser les choses, la variation de l’intensité solaire suit un cycle d’environ 11 ans. Ce phénomène est dû à une inversion magnétique périodique subie par le soleil, s’accompagnant de modifications dans la distribution d’énergie et dans le nombre d’éruptions solaires. Mais la variation d’irradiance qui en résulte n’excède pas 0,15 %, ce qui est insuffisant pour expliquer les variations actuelles du climat. Pour plus d’informations sur ce point, je vous invite à aller jeter un œil à cette page de la NASA consacrée au soleil, qui résume bien le sujet.

Un petit tour dans les étoiles ?

Enfin, j’entends parler parfois des variations de l’ensoleillement lié aux variations orbitales. Ce questionnement mérite un léger éclaircissement (héhé). Ce phénomène est aussi connu sous le nom de cycles de Milankovitch, mis en évidence en 1941 par le météorologue serbe du même nom. On parle aussi parfois de cycles de glaciation. Vous allez comprendre pourquoi.

La Terre tourne autour du soleil, oui. Mais pas parfaitement. En fait, il existe plusieurs variations dans les paramètres orbitaux de la Terre, qui modifient la quantité et la répartition du flux d’énergie reçu du soleil. Ces paramètres sont au nombre de trois.

L’obliquité. Elle concerne l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre. Celle-ci varie entre 22° et 24,5°, et la période de ce phénomène est de 41000 ans.

La précession des équinoxes. Ce terme barbare signifie que la Terre est comme une toupie. Qu’on aurait un peu perturbé. La direction de son inclinaison varie au cours du temps, avec une période d’environ 20000 ans.

L’excentricité. L’orbite de la Terre autour du soleil n’est pas un cercle. C’est une ellipse dont la Terre occupe l’un des foyers. L’excentricité mesure à quel point l’orbite de la Terre est proche d’un cercle. Or, celle-ci oscille. Pas des masses, certes, mais suffisamment pour impacter le climat. Cette variation est une combinaison de plusieurs périodes, entre 95000 et 400000 ans.


Bon Dieu, pourquoi tous ces chiffres ?

Parce que si vous combinez toutes ces périodes, vous parvenez à expliquer précisément les variations de température ayant entraîné les cycles glaciaires et interglaciaires qui caractérisent le quaternaire. Des cycles d’environ 100 000 ans dont on a déjà parlé ici. D’où le nom de « cycles de glaciation ».


Bref, tout ça pour dire qu’il s’agit encore et toujours d’une question de timing !

Imaginez une cuisine (oui, une cuisine) : quand vous allumez votre four mi-mars pour faire un gâteau et que vous constatez en quelques minutes une augmentation de la température dans la pièce, c’est parce que votre four est en marche. Pas à cause de l’été qui approche.

 

Bon. L’analogie est assez limitée, j’en conviens, mais elle a le mérite d’être claire. Les variations orbitales que subit la Terre ne permettent pas d’expliquer le réchauffement climatique actuel. Pire, même. Vous voulez la réalité ? Hé bien, sachez que si seuls les cycles orbitaux influençaient le climat terrestre, celui-ci devrait actuellement plutôt se refroidir !

Voilà. J’espère que les choses sont plus claires. Océans, Volcans, Soleil et lois de la gravitation. Finalement, la question des forçages climatique est à elle seule l’équivalent d’un bon gros space-op’.

 

En conclusion, peut-être qu’RMC y gagnerait à inviter des auteurices de SF. Le monde s’en porterait mieux. Et les auteurices aussi.

Bon été !



Sources :


(GIEC, AR6, WGI, SPM) :
IPCC, 2021 : Summary for Policymakers. In: Climate Change 2021: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Masson-Delmotte, V., P. Zhai, A. Pirani, S.L. Connors, C. Péan, S. Berger, N. Caud, Y. Chen, L. Goldfarb, M.I. Gomis, M. Huang, K. Leitzell, E. Lonnoy, J.B.R. Matthews, T.K. Maycock, T. Waterfield, O. Yelekçi, R. Yu, and B. Zhou (eds.)]. Cambridge University Press. In Press.

 

https://www.huffingtonpost.fr/entry/legislatives-sortie-de-willy-schraen-sur-la-canicule-et-la-nupes-passe-mal_fr_62a878bee4b0cf43c84e9f9c

https://bonpote.com/synthese-et-analyse-du-nouveau-rapport-du-giec/

https://www.nasa.gov/mission_pages/sunearth/solar-events-news/Does-the-Solar-Cycle-Affect-Earths-Climate.html

https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/climatologie-cycle-milankovitch-13390/

Je conseille également le très pratique : https://understanding-ipcc.org/#lang=fr_FR&chapter=SPM.A

 

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